Charles pasi

Bio

NOUVEL ALBUM « ADAMAS » LE 25 JANVIER 2025

Charles Pasi s’apprête à sortir son sixième album, le troisième chez Blue Note, où il signe en 2015. “Adamas” en sera le titre. Un titre à tiroirs, traçant différentes pistes. En grec, “Adamas” signifie “indomptable, indestructible”. C’est aussi l’origine pour le mot “diamant”, cette pierre précieuse si difficile à tailler (Charles, passionné depuis son enfance par la gemmologie, est double diplômé en la matière). Gemme. J’aime. Le jeu de mot n’a rien d’anodin. Chez Charles Pasi, la musique a toujours été d’abord une histoire d’émotions. “L’album s’appelle “Adamas”, il est dédié à deux âmes indomptables et précieuses, mon père et Maurice, mon manager. Pour eux, je voulais un peu plus que la pierre tombale et une photo dans un cimetière…Deux figures importantes pour moi, deux hommes libres.” Deux diamants. C’est un album multiple, qui traverse les sentiments qui font l’Homme, un disque peuplé de fantômes, d’amour, de vie et de mort. Charles y chante son père, son manager Maurice Suissa, disparus, une amie gravement blessée dans un accident de la route, les ombres qui ne nous quittent pas et la lumière qui est encore là, malgré la souffrance et la séparation, la passion de la musique, non négociable. Ce disque aux mille couleurs, libre, il l’a composé au coeur de la pandémie, quand il ne pouvait plus tourner aux quatre coins du monde (il s’est déjà produit dans plus de 35 pays). Il y chante en anglais, français et italien, il y a des instrus, du blues, de la pop, toute sa vie et celle des autres… La note bleue, si chère au label du même nom, est présente un peu partout sur le disque. “S’il doit y avoir une thématique pour cet album, c’est malheureusement la disparition. Je perds mon père, mon manager…” Charles le confesse, l’accouchement a été difficile. Mais il n’était pas question d’enregistrer un disque plombé et plombant. Non. Charles Pasi fait mentir la légende qui veut qu’un artiste, sans malheur, ne peut créer. “Pour faire de la musique, il faut être dans un état assez léger, apaisé… Il y a ce qu’on vit et après ce qu’on en fait. Je ne parviens pas à écrire au coeur de la tourmente. J’ai vécu ce que j’avais à vivre, j’ai fait mes deuils mais je n’ai pas sorti tout de suite mon petit stylo en mode “un mort, génial, profitons-en !” (sourire), non. Mon disque, malgré la récurrence de la perte, n’est pas triste. Il est, oui, apaisé. La mort, comme chez les Grecs anciens, c’est un autre voyage. Et c’est notre condition d’humain” Voilà peut-être pourquoi cet album sonne plus comme une réunion entre ciel et terre, où les vivants et les morts dansent loin de la tragédie. On peut penser à ces cortèges mortuaires de la Nouvelle-Orléans, quand la musique refuse d’abdiquer et transforme les rues en un rituel de passage festif et fédérateur. “Adamas” dévoile neuf chansons et autant d’univers. C’est une odyssée qui plutôt que d’entretenir une douleur la dépasse pour mieux honorer la mémoire. Éternité choisie, fatalisme d’étoile. Jamais Charles Pasi n’avait chanté ainsi, il est là, tout proche et c’est parfois même très émouvant.

“Garbage Dog”, premier single éclaireur où il a convié la chanteuse rasta de Trinité-et-Tobago, Queen Omega, qu’il plébiscitait depuis cinq ans (son premier feat en six albums !) et dont le dubplate sur le mythique “Next Episode” de Dre et Snoop avait fait le tour de la planète, est un hymne aux rapprochements des corps et aux rythmes libres, loin de l’avidité. “Nothing To Say”, qui ouvre le disque, est un pow-wow blues, servi par un saxophone tigre et papillon. Transe totale et jubilatoire. Vient ensuite “Nino, Cielo e Terra”. Et là, on vacille. C’est sa première chanson en italien, lui, dont la langue originale, même si né à Paris, est celle de Dante. Elle est pour son père, Nino. Charles Pasi chante avec sa soeur Clara sur ce titre beau comme une promesse tenue. Ils chantent d’une même voix les dernières images d’un père qui ne reviendra pas et qui ne quittera pas leurs cœurs. “Une assiette restée sur la table, un soir d’été, un dernier regard candide, où vas-tu, tu ne dis jamais et tu vas”. C’est d’une beauté formidable, un ultime adieu, un amour qui jamais ne s’éteindra. C’est une scène quotidienne, presque triviale, comme tirée d’un film de Nani Moretti, qui soudain, convoque le vertige. Il y a des cordes d’une pudeur de nuages, un piano rosée, comme un songe qui malgré l’aube, refuse de tirer sa révérence, un orgue de velours, au loin. “Pourquoi ce titre ? Parce que mon père avait vraiment ce côté humaniste et cette intelligence un peu céleste… Ce morceau, ce sont trois thèmes qui s’enchaînent… Ça faisait des années que mon père me demandait d’écrire une chanson en italien. Je répondais “oui oui”… L’italien, c’est une langue très sucrée, assez teintée, difficile à manier en chanson. Et je l’ai fait…”. On en sort profondément bouleversé. Et si une larme coule au creux de notre âme, c’est une larme de reconnaissance. Le sentiment que l’on vient de vivre quelque chose de rare. Sans attendre, “Addict” prend le relai. Chanson épurée, à la fois sensible et entraînante. Charles Pasi a souvent aimé brouiller les pistes, entrechoquer les sens pour mieux libérer les émotions. Une musique aérienne et une thématique sombre. L’inverse fonctionne également. Surligner, les gros sabots, ça n’a jamais été son truc. La musique est un playground et Charles Pasi un gosse éternel et un harmoniciste buissonnier qui n’en fait qu’à sa tête. Il mélange, croise, tente. “C’est un titre qui s’inscrit dans un registre folk, slide, folk blues, un peu country. Un style que j’ai beaucoup écouté gamin. Linda Rondstadt, Dolly Parton, Emmylou Harris, Blaze Foley… La chanson, c’est un mec qui parle à un autre mec. C’est sur la difficulté de côtoyer quelqu’un qui est addict. Il lui dit de se tirer, d’essayer de ne pas s’égarer mais de se tirer. Je voulais avoir ce côté presque léger musicalement… c’est un très vieux titre, que j’ai depuis 7-8 ans. Et j’avais écrit au départ ce texte pour quelqu’un d’autre.
À un moment, j’ai pensé qu’il me manquait une chanson pour l’album. J’aurais pu la mettre sur mes disques précédents. Et c’est finalement sur “Adamas” qu’elle existe enfin…” Il se murmure que le titre original était “Junkie”. Comme souvent avec les chansons qui ont flirté avec l’abandon, “Addict” est une chanson imparable. Rien n’empêche non plus ici de penser à Elliott Smith et à sa sincérité d’écorché. Charles a d’ailleurs doublé sa voix sur ce titre acoustique et arpégé. “Maurice, Samouraï”, son harmonica qui salue une ultime fois et son chant sans mots est une complainte mystérieuse, un sortilège salvateur : “Maurice, Samouraï, déjà, c’est presque une anagramme phonétiquement. Et il avait ce truc un peu guerrier dans sa façon de défendre ses artistes. Et quand Maurice sortait son katana, c’était un mec assez tranchant (rires). Et il avait aussi cette espèce d’éthique dans le travail. Il ne trahissait rien. Quand il est mort, je me suis demandé si j’allais avoir encore la force d’avancer dans ce métier sans lui. Et finalement, tous ces départs d’êtres qui m’étaient chers a coïncidé avec l’arrivée d’autres. Comme Queen Omega, Michael Brauer (l’illustre ingénieur américain du son aux multiples Grammy et qui a collaboré avec James Brown, Coldplay, John Mayer, The Rolling Stones, Bob Dylan…) qui a mixé tout l’album, le saxophoniste Baptiste Herbin… Ce disque n’a rien de tragique ! Ça relève plus du renouvellement et de la continuité, il y a énormément de monde, il y a tous mes amis. C’est un album sur la perte et j’en ai profité pour réunir tout le monde. Il doit y avoir quelque chose comme 25 intervenants musicaux. Au départ, la musique, c’est un prétexte pour savoir qui tu es. À travers la musique, tu apprends à te connaître et tu as besoin de t’identifier. Là, j’ai 40 ans, je commence à savoir à peu près qui je suis (sourire). Et maintenant, j’ai plutôt envie de me servir de la musique pour réunir.” L’histoire retiendra qu’au final, c’est Lisa Suissa qui est devenue sa manageuse. La
fidélité chez Charles Pasi n’est pas un vain mot… Sur “Une Lettre”, Charles convoque le français, un français d’alcôve, mystérieux et envoûtant, avec sa guitare délicate. Ensuite, “The Eyes of Cecilia”. Encore une histoire terrible et le désir brûlant de vivre : “Cecilia est une artiste, elle est photographe, peintre, vidéaste, qui a fait pas mal de mes vidéos. Une très bonne amie. Elle a eu ce très grave accident de scooter. Le soir même, on m’a appelé pour me dire qu’elle était morte. 15 jours de coma plus tard, miraculeusement, elle s’en sort avec de multiples fractures, une amputation à mi- cuisse et paraplégique. Avant ce drame, Cécilia était une voyageuse. Elle partait seule avec son sac à dos photographier le monde. La chanson, c’est ça, dans les yeux de Cecilia.” Ici, la compassion n’a pas son mot à dire. C’est un titre où s’animent des souvenirs, où les continents dérivent. C’est encore une affaire de revanche… Jim Grandcamp, aussi ami de Cecilia, s’est chargé du solo de guitare. Quand Charles Pasi chante, on dirait un gamin touché par une forme de grâce et qui aurait enfin osé se livrer… C’est d’une sobriété magnifique, d’une douceur magique. “C’est un morceau qui s’inscrit dans la tradition des balades jazz pop orchestrales, avec des cordes.” Quand on lui demande si sur ce disque, il a l’impression d’avoir fait des choses jamais tentées auparavant, sa réponse ne se fait pas attendre. “Complètement !”. Déjà, rien que le fait de chanter en différentes langues. Et puis, c’est la première fois que j’invite des chanteuses. Il y a aussi des instrumentaux. Pourquoi des instrus ? Parce qu’est arrivé ce moment où je n’avais plus rien à dire. Il y a des fois où c’est bien de se taire. Et de laisser parler la musique.” “Marmelade Blues” (remplacez marmelade par jam. Vous l’avez ?) est un blues sans entrave, l’instinct en bandoulière. Et “Mikado”, dernier titre de ce disque furieusement vivant, ondule comme du Bon Iver, bricolage d’après la pluie, conclusion là encore toute en élégance et en secret.

Ce disque est une histoire de fantômes, de prolongement, de légèreté et d’éternité. Laisser une trace. Ne pas oublier sans jamais se morfondre. Dessiner dans nos poussières un nouveau chemin loin des autoroutes sans aventure. “Qu’est ce qu’on laisse quand on part ?” se demande Charles. Des chansons. L’obole pour Charon. Des chansons.

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